Les gens ailés sont-ils tous des anges?

Je me délectai de la chaleur de sa main, qu'il ne fit rien pour dégager de mon étreinte. Par rapport à la mienne, elle était énorme. Je sentais sa gêne, et ne pus nier être embarrassée. Je tenais la main d'un garçon que je n'avais rencontré qu'un heure auparavant, tout au plus. Mais.. Disons que Rubis est Rubis, hein?
Il murmura, l'air confus: -C'est... Bizarre... Mais...Pas autant... Que... Je le pensais.
Il reprit possession de sa main, et la fixa comme pour en soutirer on se sait quelle réponse.
Finalement, cet homme était... complètement différent de ce que j'aurais pu imaginer au premier regard. Quoique, quiconque se méprendrait en voyant un ange agonisant par terre en pleine nuit. C'est pas que ça devait arriver souvent.
Je dirigeai le regard vers ses yeux. Rouges, oui, mais d'un rouge tendre, brillant, comme je les avais déjà qualifiés: Magnifiques.
Je pourrais les contempler à jamais.
Le silence continua, et je me rendis compte que le ciel s'illuminait peu à peu. J'étais là, dans la cours, à n'avoir dormi de la nuit - d'ailleurs, la fatigue se faisait sentir -, j'étais certaine que j'allais rien piger en cours, mais d'une certaine façon, ça m'était égal. J'étais contente.
Soudain, une idée me traversa l'esprit:
"Le concierge! Il fait le tour des classes, le matin! Il va trouver mon carnet et mon Kudan! Et... ta chemise! Et les bouts de verre!"
Je m'agitai.
"Tu peux me remonter?" Dis-je d'un air suppliant. Je ne prendrai pas le risque de passer par la porte, quand même!

Je restait là, à fixer mes mains en réfléchissant.... Qu'est-ce que tout ceci impliquait réellement? Qu'est-ce que cette nuit allais changer? Car elle allait changer des choses, je n'en doutais pas un seul instant. J'avais un nom à présent. Rubis.
Et une... Amie.
-Le concierge! Il fait le tour des classes, le matin! Il va trouver mon carnet et mon Kudan! Et... ta chemise! Et les bouts de verre!
Je relevais la tête. Ah, en effet. Mais c'était pas mon genre de me préoccuper de ce style de détails... Même Tetsu avait l'air de prendre ça très à cœur.
-Tu peux me remonter? Je ne prendrai pas le risque de passer par la porte, quand même!
-Euuuh...
La remonter? Ça impliquait... De la porter, n'est-ce pas? Donc de la prendre dans mes bras? Cette simple idée et l'image de cette fille collée à moi me fit rougir instantanément. Non. Ce n'allait pas être possible. Vraiment pas.
-Écoute, jvais y aller et te ramener ton kudan et ton cahier et récupérer ma chemise. J'en ai pas pour longtemps, ajoutais-je en prenant mon élan avant de m'élever dans la pâle lumière de l'aube.

En y réfléchissant, ça ressemblait un peu à une fuite, ça, quand même.

-Euuuh...
Est-ce que c'était le moment d'hésiter? Gaaah, grognai-je intérieurement. Il faudra acheter de nouvelles lampes, en plus! Il eut l'air embarrassé, ce qui me fit pencher la tête vers le coté. Quoi, encore? Il ne comptait pas me jeter vers la fenêtre, hein?
-Écoute, jvais y aller et te ramener ton kudan et ton cahier et récupérer ma chemise. J'en ai pas pour longtemps.
Dit-il, aussi rapidement qu'il s'envola, me laissant bouche bée devant ce spectacle. Ses ailes, magnifiquement grandes, se déployaient, et mouvaient puissamment, soulevant une petite brise. La lumière se réverbérant sur ses plumes faillit m'éblouir.
Non, attends. Nooooooooooooooon? Mais moi, ce que je voulais, c'était nettoyer! Trop tard, il s'introduisait déjà élégamment dans la salle.
Il allait chercher ses habits, mon carnet et... BULLE?!
Je criai à son intention, agitée: "Ne le touche pas directement, s'il a peur, il pourrait absorber ton énergie! Et fais gaffe aux morsures!"
Voilà pourquoi il aurait dû me prendre avec lui, nom d'un arlequin!

-Ne le touche pas directement, s'il a peur, il pourrait absorber ton énergie! Et fais gaffe aux morsures!
J'entendis ça d'une oreille distraite, la distance affaiblissant les paroles. La salle était toujours déserte, tables en vrac et bouts de verre... Je repérais ma chemise soigneusement pliée sur une table ainsi que la veste que portait Ren. Je les pris, tenté de laisser ça sur place pour lui attirer des ennuis, mais ça me paraissait un peu minable comme plan. Les nouant à ma taille, je cherchais des yeux le Kudan de la fille, un truc assez étrange si je m'en souvenais bien... Mais je ne le voyais nulle part. En revanche j’aperçus le cahier dans un coin de la salle, là où il était tombé quand je l'avais envoyé voler. Il s'était ouvert dans sa chute et gisait là, tache blanche dans la pénombre de la nuit. Ouvert sur une page vide. Je m'en saisit ainsi que du crayon qui lui avait roulé sous une chaise renversée.
Je fis à nouveau le tour de la salle, contournant les tables en désordre, cherchant le kudan introuvable. Des bruits venant de l’extérieur me firent soudainement sursauter. Je me ruais vers la fenêtre.
Il y avait un type que je supposait être le gardien. Tetsu avait disparut. J'étouffais un juron, il valait mieux pour moi ne pas rester là non plus... Je jetais un dernier regard à la salle dévastée, cette salle où j'avais reçu un nom, cette salle où j'avais rencontré quelqu'un qui semblait me vouloir comme ami. Tetsu. Je baissais les yeux vers son carnet. Il allait falloir lui rendre... Il allait falloir lui parler à nouveau. Cette perspective me faisait peur, mais en même temps, j'avais hâte.
Je tournais enfin les talons et sorti dans le couloir, ouvrit une porte de l'autre côté du bâtiment et m'envolais du côté opposé à celui où se trouvait le gardien, sentant les muscles de mes ailes jouer dans mon dos, savourant cette liberté adorée, contemplant les étoiles, et tenant précieusement le carnet de Tetsu entre mes mains.

J'attendis un moment, inquiète, puis vis du mouvement à le fenêtre, puis la tête de bulle. En m'apercevant, il se rua sur moi, l'air d'avoir eu la peur de sa vie. Je m'apprêtais à r'appeler Rubis quand j'entendis des pas et une voix de viel homme grommeler on ne sait quoi. Oh, merde. Je peux même pas prévenir l'ange sans attirer des ennuis. Je me camouflai avec mon kudan dans un buisson, et surveillai le gardien, qui commençait à se demander si ses oreilles ne lui faisaient pas des tours. Je t'en supplie Rubis, ne sors surtout pas, sinon, je serai obligée de faire diversion!
L'intrus finit par disparaître au coin du bâtiment, ce qui me fit soupirer de soulagement. Toujours pas de signe de vie de mon nouvel ami, qui devait déjà avoir fui.
L'idée qu'il regarde dans mon carnet me traversa l'esprit, et je me mis à refaire passer dans ma tête tout ce que j'avais bien pu dessiner.
Rien de bien important ne me revint à l'esprit, à part l'esquisse du professeur que j'avais faite à la plage.
Bah. J'eus la grande envie de peindre celui que je venais de rencontrer et qui avait déjà chamboulé une bonne partie de ma vie.